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mercredi 6 avril 2011

L'année 68

Le premier single du récent album de Yannick Noah est intitulé « Angela »; en l'honneur d'Angela Davis, une activiste féministe Afro-Américaine. Dans les années 60 et 70 elle était très impliquée dans le mouvement d'émancipation des Noirs et s'est aussi engagée pour l'émancipation des femmes. Aujourd'hui professeur d'études féminines et Afro-Américaines elle mène aussi un combat contre la guerre et la peine de mort. Le clip se concentre sur l'année 68, son engagement dans le Black Panthers Party et le contexte de cette année-là par rapport au mouvement pour l'émancipation des Afro-Américains en lien avec, 40 ans après, l'élection de Barack Obama.

 Yannick Noah - Angela

Cela m'amène à l'année 1968. J'ai toujours trouvé cette année intéressante.
Dans son documentaire « 68 », Patrick Rotman pointe le fait que cette année a en fait été assez triste et que cet énorme élan qui a semblé avoir pris la jeunesse désireuse de changer le monde, n'a en fait été qu'un instant. Le documentaire commence par la mort de Che Guevara en octobre 1967 et l'exposition de son corps mort. L'image mondiale de la résistance populaire à l'impérialisme a été abattu, la flamme s'est éteinte. Il se termine par les funérailles de Jan Palach, ce jeune garçon tchèque de 21 ans s'était immolé par le feu en janvier 69 en réaction à l'occupation de son pays par les chars soviétiques, il n'a pas été le seul et des monuments rappellent encore aujourd'hui leur acte désespéré. Deux images de l'échec du peuple prêt à se soulever face aux deux puissances de l'époque; les limites de l'emballement. Entre ces deux évènements des choses très dures se sont passées: des images choquantes du Vietnam aux tirs sur les étudiants manifestants à Mexico. En France, le fameux mois de mai se termine par le goudronnage du quartier et l'interdiction des syndicats étudiants.
L'année a été très dure aux Etats-Unis. Le pays vit une décennie très mouvementée pleine de conflits sociaux; de plus les tensions raciales se révèlent être à la base de violences qui mettent parfois certaines régions dans un état de quasi guerre civile. La jeunesse y est aussi en ébullition. Comme ailleurs dans le monde elle est révoltée contre ses aînés et en réaction à la société de consommation en train de s'installer elle se tourne vers des attitudes et des valeurs en totale contradiction avec celles de leurs parents: les drogues, la musique psychédélique, le pacifisme voire même l'ennemi suprême, le marxisme. Mais surtout ces jeunes se sentent capables de tout et dans l'Amérique de la fin des années 60 il s'agit des droits civiques des Afro-américains et de la guerre du Vietnam. La mise en place de la loi de conscription ne va pas arranger les choses. Les jeunes ne veulent pas aller au Vietnam car ils ne comprennent pas les raisons de cette guerre. En ce qui concerne les droits des Noirs américains, malgré les lois sur les droits civiques votées sous la présidence de L. B. Johnson au milieu des années 60 la situation est toujours difficile. Les Noirs ne voient pas les fruits de la législation et se sentent toujours comme des citoyens de seconde zone et les Blancs, surtout dans le Sud refusent d'accepter de tels lois après deux siècles de racisme institutionnalisé.
Dans ces deux contextes les morts de Martin Luther King et de Robert Kennedy ont quelque chose de tragique. Ils représentaient l'espoir; le révérend King de lutter pour un changement de la situation des Noirs par des actions non-violentes et Bobby Kennedy la ferme volonté d'un Blanc pour cette cause ajoutée à sa détermination de cesser l'implication américaine au Vietnam. Leurs morts soudaines et tragiques à deux mois d'intervalles ( le 5 avril et le 6 juin ) arrêtent de façon brutal cet élan. Ils étaient des « leaders », ils rassemblaient autour d'idées, ils inspiraient les jeunes de cette époque et leurs mort ont été des chocs. Dans le making of du film Bobby qu'il a réalisé en 2006 Emilio Estevez parle d'un tapis violemment retiré de sous les pieds de toute une génération.

La jeunesse est sous le choc et les formes d'action autant aux États-Unis qu'ailleurs vont se radicaliser et les années 70 seront des années violentes. On voit l'émergence de groupes terroristes intérieurs tels que les Brigades Rouges en Italie ou Action Directe en France; de plus en plus les organisations protestataires envisagent la lutte armée. Dans plusieurs pays on parle d'Années de Plomb, on est alors loin du Flower Power/Peace and Love.


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